Inquiétudes au Conseil de sécurité de l'ONU sur la situation "critique" en Haïti

Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est inquiété mercredi de la situation "critique" en Haïti, où un chef de gang a menacé d'une "guerre civile" si le Premier ministre Ariel Henry, de plus en plus sous pression, ne démissionnait pas.

Les bandes criminelles, qui contrôlent la majorité de la capitale Port-au-Prince ainsi que les routes menant au reste du territoire, s'en prennent ces derniers jours à des sites stratégiques de ce pays pauvre des Caraïbes, dont plusieurs prisons, d'où ont pu s'évader des milliers de détenus.

Face à cette escalade, le Conseil de sécurité s'est réuni en urgence mercredi après-midi. "On n'avait pas le choix, la situation est critique", a commenté après la réunion l'ambassadeur d'Equateur José Javier De la Gasca Lopez Dominguez.

"Tout le monde a partagé ses inquiétudes", notamment la nécessité de déployer rapidement la mission internationale de soutien à la police, a ajouté son homologue maltaise Vanessa Frazier.

La zone de l'aéroport Toussaint-Louverture a de nouveau été le théâtre d’affrontements entre les forces de sécurité et des gangs dans la nuit de mardi à mercredi, selon une source policière.


Un influent chef de gang, Jimmy Chérizier, a assuré mardi que si Ariel Henry ne démissionnait pas et si la communauté internationale continuait de le soutenir, le pays allait "tout droit vers une guerre civile qui conduira à un génocide".

"Soit Haïti devient un paradis pour nous tous, soit un enfer pour nous tous", a affirmé cet ancien policier de 46 ans, surnommé "Barbecue", entouré d'hommes armés et cagoulés.

En plein état d'urgence et couvre-feu nocturne, et alors que les administrations et les écoles restent fermées, beaucoup fuient les violences avec leurs peu d'affaires sous le bras, les autres ne s'aventurant dehors que pour acheter l'essentiel.

"La situation est de pire en pire. La police nationale ne peut rien contre les assauts des bandes armées. Seule une force militaire peut nous aider dans cette situation", a dit à l'AFP un chauffeur de Port-au-Prince qui a requis l'anonymat.

"Pas de démission"

Les groupes armés disent vouloir renverser le Premier ministre au pouvoir depuis l'assassinat en 2021 du président Jovenel Moïse et qui aurait dû quitter ses fonctions début février.

Le pays, actuellement sans président ni parlement, n'a connu aucune élection depuis 2016.

"Malgré de nombreuses réunions, nous n'avons pas pu trouver de consensus entre le gouvernement et les divers acteurs de l'opposition, le secteur privé, la société civile et les organisations religieuses", a déploré mercredi le président du Guyana Mohamed Irfaan Ali, qui assure la présidence tournante de la Communauté des Caraïbes (Caricom).

"Ils sont tous conscients du prix d'un échec", a-t-il mis en garde.

A Washington, la diplomatie américaine presse Ariel Henry d'"accélérer la transition" vers des "élections libres et équitables" et réclame des "concessions dans l'intérêt du peuple haïtien".

Pour autant, "nous ne poussons absolument pas le Premier ministre à démissionner", a fait savoir la Maison Blanche.


N'ayant pas pu retourner en Haïti, Ariel Henry a atterri mardi soir à Porto Rico, de retour du Kenya, où il a tenté de mettre enfin sur les rails une force multinationale.

"Il n'y a pas d'alternative" à cette mission face à une situation "plus qu'insoutenable", a souligné le Haut-Commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme, Volker Türk.

"Niveau stupéfiant" de violence

En raison des violences, de la crise politique et d'années de sécheresse, 5,5 millions d'Haïtiens, soit près de la moitié de la population, ont besoin d'assistance humanitaire. Mais l'appel aux dons de l'ONU -- 674 millions de dollars pour 2024 -- n'est financé qu'à 2,5%.

Et l'escalade des derniers jours a forcé 15.000 personnes à fuir leur domicile à Port-au-Prince, selon l'ONU qui a commencé à leur distribuer nourriture et produits de première nécessité.

Après des mois de tergiversations, le Conseil de sécurité avait donné en octobre son accord pour l'envoi d'une mission multinationale menée par le Kenya qui veut dépêcher 1.000 policiers. Mais son déploiement est retardé par la justice kényane et un manque criant de financements.

Nairobi et Port-au-Prince ont signé vendredi un accord bilatéral mais aucune date n'est avancée pour l'arrivée de la mission.

Fin février, cinq autres pays ont notifié leur intention de participer à la mission dans un pays miné par les enlèvements, les snipers sur les toits, les violences sexuelles utilisées pour installer la peur...

Début janvier, Antonio Guterres s'était dit "consterné" par le "niveau stupéfiant" de la violence des gangs, le nombre d'homicides ayant plus que doublé en 2023, avec près de 5.000 personnes tuées, dont 2.700 civils.


Crédit: Amélie BOTTOLLIER-DEPOIS aux Nations unies avec AFP et Radio Internationale d'Haïti 

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