Et le cycle des vingt persiste !
Je me souviens de l’arrivée de 2020 qui m’avait également surprise, si je ne m’abuse, au point où j’avais écrit, carrément 20-20. Le nombre m’avait dérangée jusqu’à ce qu’il dévoile son vrai visage. Avec fracas, sans annonce, sans décorum aucun, sans pitié, 20-20 accouchait d’un monstre dénommé Covid-19.
Le monde entier est concerné ! Panique généralisée ! Des morts d’hommes déjà ! Que de sons de cloche : « C’est un virus échappé d’un laboratoire chinois », et patati et patata… Nous connaissons le reste. Il charrie pas mal de nouveaux mots : variante, gamma, beta, delta, omicron… Après une tonne de dégâts, des milliers de morts, parmi lesquels des personnalités connues, 20-20 se retira petit à petit pour que 20-21 fasse une entrée éblouissante.
Alors, pour ne pas tomber dans le même panneau, j’ai donné un avertissement à 20-21 : « Écoute, ne viens pas nous jouer le tour de 20-20 Fè respè w tande, 20-21 ! » C’est déjà pas mal, elle est arrivée avec la vaccination contre le Covid. Une première dose, ça va, une 2e, ça peut aller ! Mais quoi encore ! un booster, wow ! Puis, un 4e. C’est à se demander s’ils ne sont pas en train d’exagérer, ces labos ? « Mwen p ap pran okenn 4yèm »…Ok.
20-21 avance tout doucement, silencieusement même, quand soudain les téléspectateurs branchés tombent sur l’assaut du Capitole, le 6 janvier, par la bande à Trump. Le Capitole, le Temple de la démocratie américaine, subit une vraie attaque, pendant que les sénateurs et les représentants vaquaient à leur besogne. N’est-ce pas un début d’année fatidique dans la série des vingt ? Elle vient de lâcher une bombe. Du jamais vu !
20-21 poursuit son trajet macabre. Le Covid est toujours présent, malgré le vaccin. Beaucoup de gens ont mis bas les masques. Certaines manifestations l’exigent quand même, mais les Haïtiens sont ou bien têtus, ou bien trop braves.
Malgré les dégâts causés par le Covid, le président Jovenel Moise décide d’organiser le carnaval dans son fief, à Port-de-Paix, du 14 au 16 février. « Ayisyen renmen kanaval, ba yo, Jovenel. » 20-21 assiste, passivement, à de violentes manifestations de rues, à des kidnappings, sans dire mot.
Que représente la vie en Haïti en l’année 20-21 ? Question sans réponse pour le moment. Mais que voulez-vous ? Faute d’affirmer que la vie continue, disons plutôt que le pays vit sa vie à l’écoute des nouvelles, tantôt effrayantes, tantôt incompréhensibles. Martissant, Portail Léogâne, route de Carrefour bloqués. Plus question de se rendre à Petit-Goâve, Léogâne, Jacmel et autres. 20-21, étant toujours à l’affût, réveille Laboule 12 qui sert de passerelle pour relier le Grand Sud.
Et voilà que Croix-des-Bouquets, la Plaine, Canaan entrent en jeu. Le Grand Nord reçoit un coup. Il ne s’y attendait pas. Des autobus disparaissent avec leurs passagers… 20-21, « sanble ou pi mechan wi ». Le pays et ses habitants paraissent déjà fatigués de tout ce branle-bas de combat, alors qu’un tremblement de terre d’une magnitude 7.2 vient de frapper très fort le grand Sud et les Nippes, le 14 août. Près de 3000 morts, sans compter les blessés et les pertes matérielles.
Enfant, je me souviens avoir entendu parler d’un séisme de magnitude 6.1, en 1953, qui avait fait beaucoup de dégâts à l’Anse-à-Veau.
Alors, chers amis, n’ai-je pas raison d’affirmer que la série des vingt semble maléfique ? 20-21 fait du chemin pendant que le pays connaît les moments les plus durs de son existence. Le kidnapping fait rage ! Des quartiers invivables ! Des zones toujours bloquées jusque là-haut sur la montagne ! Des manifestations par-ci par-là. Les policiers se mettent de la partie pour revendiquer leur droit d’être syndiqués ! Des hommes politiques disparaissent comme l’éclair ! De quoi demain sera-t-il fait, 20-21 ? Pas de réponse ! Elle est au repos.
Puis, comme un coup de tonnerre qui éclate dans la nuit, une nouvelle explose : le président Jovenel Moïse vient d’être assassiné dans sa maison à Pèlerin, peu après le Batonnier Dorval. Toute la nation devient « bèbè », du même coup ! Ah ! 20-21, « kou sa a di wi. Ou pa ta fè nou sa. » Mais comme d’habitude chez nous, tout passe, tout lasse ! Et puis, plus rien ! Pas de plainte ! Pas de jugement ! Le banditisme ne pardonne pas ! Beaucoup de personnes laissent le pays ! La République dominicaine n’accorde pas de chance aux éventuels immigrants. Ils sont refoulés, sans autre forme de procès. Pauvres Haïtiens qui tentent leur chance partout sur la planète : Porto Rico, Cuba, Mexique, Floride et même la lointaine Turquie. Les plus veinards arrivent à destination tandis que d’autres deviennent la proie des requins.
20-21 ! Tu es toujours là ! Ne penses-tu pas que nous avons assez de toi ? « Al fè wout ou tande ! »
Pourtant, il faut franchir les quelques mois restants avec son lot de problèmes : pas de gazoline, les motos et les gallons jaunes font la loi dans les stations d’essence et la vie devient de plus en plus chère. « Papa Bon Dieu, ayez pitié d’Haïti. » Néanmoins, la série continue.
Nous voilà déjà en 20-22 : Que nous réserves-tu ? Biden est président des USA depuis un an déjà. Ariel Henry est Premier ministre depuis août 20-21. Le niveau de vie est plus bas que jamais. L’année démarre, à nouveau, avec la crise de gazoline dont le prix a subi une forte augmentation. Les nouvelles internationales sont déconcertantes : Invasion de l’Ukraine par la Russie. Le monde est connecté ces derniers temps. De notre côté des accords par-ci par-là, sans conclusion : Montana, 11 septembre, 21 décembre… Où allons-nous ?
20-22, on dirait qu’on parle de choléra ? Comme quoi, tu amènes le choléra avec toi ? Je pensais que c’était du passé, quand les Casques bleus népalais avaient déféqué dans le fleuve Artibonite. Dans tous les cas, il faut prendre ses précautions en appliquant les mesures d’hygiène adéquates Il paraît qu’une première livraison de vaccin contre le choléra est disponible sur le marché, depuis décembre. 20-22, on espère que tu seras plus compréhensif. « Fè pa nou souple » Ok
En attendant, les infos sont de plus en plus alarmantes. Des étrangers se mettent de la partie : Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’homme annonce que la violence armée règne en maître en Haïti. Certains parlent d’occupation. Le Canada entre dans le jeu. Depuis quand ? « Ase kale pwa. » 20-22, qu’est-ce-que tu nous caches encore ? Soyons sérieux ! Haïti se meurt hein ! Un pays « lok » pendant près d’un mois. Des palabres, des soi-disant négociations à n’en plus finir. Le chef de l’OEA réclame l’envoi d’une force internationale. C’est pour quand ? Les USA, le Canada, sanctionnent, enlèvent des visas. Le Canada, d’ordinaire si accueillant… On n’est pas près d’oublier le Québec, dans les années 60, qui a reçu tant d’intellectuels haïtiens, en difficulté avec la dictature. Je revois Justin Trudeau, 3 ans d’âge peut-être, dans les jambes de son père, Pierre Elliott Trudeau, alors Premier ministre. Il était si gentil. Le Canada et les USA ciblent certaines personnes. Les temps ont changé. Du jamais entendu ! Quelle affaire !
Pendant que toutes les mauvaises nouvelles circulent, que quelques-uns évitent même d’écouter la radio ou de regarder la télé, 20-22 décide de s’adoucir un peu, d’envoyer de la joie dans l’air. Ça alors !
Ah, quel coquin tu fais, 20-22 ! Merci quand même de nous remettre en selle avec la Coupe du Monde au Qatar. Déjà, ça chauffe ! Les fans du Brésil se préparent à accueillir une 6e coupe tandis que les Argentins souhaitent l’emporter parce que c’est la dernière chance du génial Messi. Pendant ce temps, je suis de près la France et ses héros : Mbappé, Griezmann et consorts. S’acheminent-ils vers un troisième titre ? Ils le méritent. Alors, bravo, 20-22 ! Au moins, les Haïtiens, fans de ce sport, peuvent oublier, un instant, tous ces derniers mauvais moments pour vivre la Coupe du Monde de football.
Bienvenue 20-23, tout en espérant que tu te tiendras à l’écart de la maudite série des vingt. 20-23 nous comptons sur toi pour aider les Haïtiens à répondre à l’offre de Biden, malgré la ruée vers le bureau de l’Immigration ? Bonne chance !
Crédit: Charlotte Barlatier Cadet
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